Le constat est amer. Plus les aides tombent, plus la population s’appauvrit. 50 ans après son indépendance, le Burundi tire plus de la moitié (52%) de son budget annuel de l’extérieur. De libres penseurs proposent l’arrêt de l’aide mais la population bénéficiaire estime qu’elle est toujours nécessaire.
«Ha gupfa wozanzama», dit un proverbe kirundi pour signifier qu’à défaut d’avoir ce que l’on veut, il faut se contenter de ce que l’on a.
Du nord au sud et de l’est à l’ouest du Burundi, partout des pancartes jalonnent les routes : Prodefi, Parse, Fida, Action Aid, PPCDR, Asareca, Vispe, Paiosa, Paivab, etc. Ce sont pour la plupart des projets pour le relèvement du secteur de l’agriculture et de l’élevage, principale source de revenus des Burundais. Ils sont financés par l’Union Européenne, les coopérations belge, allemande, hollandaise, chinoise, américaine, française, italienne, suisse, etc.
Des conventions d’aide entre le gouvernement et ses bailleurs classiques ne cessent d’être signées. C’est notamment pour financer le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, CSLP I et II.
Mais le CSLP I a été un véritable fiasco. Au lieu d’un relèvement communautaire, le niveau de vie des Burundais s’est plutôt dégradé. Pourtant, la Communauté internationale n’a pas lâché le Burundi malgré les reproches quant à la bonne gouvernance.
L’Union européenne vient de revoir au double son aide au développement. Elle passe désormais de 180 à 360 millions d’euros dans le cadre de la mise en œuvre du 11ème FED (Fonds européen de développement) de 2014 à 2020.
Voyage au cœur du pays et à travers l’histoire de cette aide au développement avec ’’Si Ma Mémoire Est Bonne’’ à la rencontre des bénéficiaires. Les avis sont partagés.
Au départ, un troupeau sans production
« Autrefois, mes ancêtres avaient tant de vaches qu’un berger ne suffisait pas pour s’en occuper. Chez mon père, il en fallait deux », fait savoir Abel Birizanye, alias Selemani, habitant de la colline Ruzira, en commune Matana (province Bururi). Malgré ces nombreuses têtes de bétail, la production laitière ne suffisait pas : « Même les enfants trouvaient difficilement du lait.» Les adultes, raconte-t-il, se contentaient de l’eau ou du vin de banane.
De surcroît, M. Birizanye indique que l’agriculture en souffrait énormément par manque de fumier : « C’est pourquoi, des famines étaient récurrentes dans l’histoire du Burundi. »
Par amour ou par intérêt ?
« Je suis parmi les premiers qui ont bénéficié de vaches sélectionnées. On nous disait que c’étaient des aides », fait savoir Abel Birizanye.
Les aides, explique Cyprien Mbonimpa, ancien ambassadeur et ministre des Relations extérieures, datent de l’indépendance : « La communauté internationale est restée à nos côtés. Non pas par sympathie, mais parce qu’ils voulaient suivre de près les questions politiques et économiques. »
En outre, éclaire-t-il, les pays européens avaient besoin de maintenir de bonnes relations avec les pays africains. Motif probable: avoir un marché des matières premières nécessaires au fonctionnement de leurs industries. Et de distinguer les aides à travers la coopération bilatérale – se réalisant entre pays – de la coopération multilatérale entre pays et organisations internationales comme l’ONU, le FIDA.
Pour un meilleur rendement, témoigne-t-il, l’Isabu (Institut Supérieur Agronomique du Burundi), via le projet Bututsi, a approché la population. Entre les années 1986 et 1988, M. Birizanye et certains notables de sa colline sont sensibilisés à la nouvelle école du développement : « Nous avons tout appris à l’Isabu de Mahwa. » En collaboration avec un coopérant blanc, l’Isabu leur enseignera la culture des plantes fourragères pour leur bétail : « Ceci n’existait pas auparavant.»
Selon l’ambassadeur Cyprien Mbonimpa, retraité et ancien ministre des Relations extérieures, après l’indépendance, le Burundi adhère à l’ONU : « L’Unesco confie à la Belgique le domaine de l’éducation parce qu’à la veille de l’indépendance, le pays n’avait qu’un seul docteur. » L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) charge la France du secteur de la Santé. Quant à l’agriculture, poursuit-il, la FAO s’en occupe.
Dans le temps, souligne Abel Birizanye, les Burundais cultivaient en vrac les courges et les autres types de plantes : « Ils ignoraient tout et c’est ainsi que des moniteurs agricoles seront formés.»
Des croisements pour augmenter la production
En 1948 déjà, Mahwa, situé à cheval entre la région du Bututsi et celle de Kirimiro, est identifié pour abriter un centre zootechnique. Il est affilié à l’INEAC (Institut de recherche du Congo, Rwanda et Burundi). Une année plus tard, précise Aloys Nijimbere, directeur de ce centre, il ouvre ses portes avec une seule activité : l’élevage. Néanmoins, la race Ankolé existante au pays n’est plus productive.
Des recherches commencent. En 1953, se souvient M. Nijimbere, l’INEAC importe les vaches modernes de race Sahiwal. A la création de l’Isabu en 1989, Aloys Nijimbere explique que des recherches sur la race bovine importée Ayrshire sont également faites dans les communes de Matana et Songa.
L’Isabu procède à l’insémination artificielle. Les résultats requièrent la satisfaction de la population. L’aide, reconnaît Abel Birizanye, est venue au moment opportun. « Elle m’a été d’une grande utilité. A cette époque, je vendais des habits et le commerce n’était pas prospère. Quand la première vache a mis bas, j’ai cédé le veau à mon frère. » Le deuxième veau a été vendu. « L’argent obtenu m’a permis de relancer le commerce.»
L’aide au développement, oui mais jusque quand ?, s’interrogent d’aucuns.
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« Ninaba Nibuka » (« Si Ma Mémoire Est Bonne ») est une co-production de la Radio Isanganiro, Groupe de Presse Iwacu et la Télévision Renaissance, en partenariat avec La Benevolencija.
«Si Ma Mémoire Est Bonne», c’est un bouquet d’émissions et de publications qui donnent la parole aux citoyens Burundais sur des sujets liés à l’histoire récente du Burundi, que les journalistes des trois médias remettent à l’ordre du jour. Ce programme réveille chaque semaine nos mémoires sur des thèmes et des évènements de l’histoire récente du Burundi.
C’est en promouvant la connaissance et la compréhension du passé, que cette production médiatique vise à contribuer à mieux comprendre le présent et à améliorer la cohésion entre les citoyens burundais.
Le projet SMMEB a été réalisé avec l’aide financière de l’Union européenne.